June 18, 2025

Déductibilité des honoraires entre sociétés liées et acte anormal de gestion

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La Cour administrative d’appel de Nancy se prononce sur la déductibilité de la rémunération de services versée à des sociétés liées (CAA Nancy, 15 mai 2025, n° 23NC00076). 

Faits et procédure

La société E a été créée en 1996 par deux associés fondateurs qui en sont les dirigeants non rémunérés. Ces deux associés ont cédé leurs actions en 2015 à deux sociétés dont ils étaient également les dirigeants et fondateurs (ces sociétés sont ainsi devenues les associées de la société E respectivement à hauteur de 50 %).

Par des conventions de prestations de services conclues en 2013, ces deux sociétés se sont engagées, d'une part, à fournir des prestations en matière administrative, informatique, comptable et de gestion, et, d'autre part, des prestations de démarchage commercial destinées à lui obtenir de nouveaux marchés publicitaires. 

Ces prestations devaient initialement être rémunérées annuellement à hauteur de 360 000 euros, mais cette rémunération a été modifiée par des avenants quatre mois plus tard, qui maintiennent la rémunération fixe et ajoutent, s’agissant des prestations de nature commerciale, une somme égale à 3 % de la marge brute réalisée par la société E sur son chiffre d’affaires. La rémunération effective de ces conventions s’est élevée à 1,3 million d’euros en 2015 et à 1,2 million d’euros en 2016.

L'administration, sans remettre en cause la réalité des prestations fournies, n'a tout d’abord admis ces honoraires en déduction des bénéfices qu'à hauteur de 720 000 euros, correspondant à la rémunération prévue par la convention initiale, en estimant que le surplus constituait une rémunération excessive par rapport aux services rendus.

A la suite de l'entrevue avec le supérieur hiérarchique, l'administration a accepté d'admettre en déduction les honoraires facturés dans la mesure d'un taux de marge de 38 % des deux sociétés prestataires, taux correspondant aux entreprises du secteur des services aux entreprises, appartenant au 3e quartile de l’Insee, et comptant moins de neuf salariés.

A noter que l'administration avait relevé que les deux sociétés prestataires présentaient un taux de marge (défini par l'Insee comme étant égal à la valeur ajoutée aux coûts des facteurs/l'excédent brut d'exploitation) élevé de 63 et 67 % en 2015 et 52 et 51 % en 2016, respectivement, alors que le taux de marge dans le secteur du service aux entreprises n'était que de 22 % en 2015 et de 38 % en 2016 pour les entreprises du 3° quartile de moins de neuf salariés.

La société E a contesté ces rectifications devant le Tribunal administratif de Strasbourg qui a rejeté sa demande par un jugement en date du 7 novembre 2022. La société a fait appel de ce jugement devant la Cour administrative d'appel de Nancy.

Arrêt de la Cour administrative d’appel

La Cour administrative d'appel de Nancy confirme l’arrêt du Tribunal administratif de Strasbourg.

Les juges relèvent que si la circonstance qu'un prestataire facture ses services à un prix très largement supérieur à leur coût de revient ne saurait établir le caractère excessif de la rémunération de ces prestations par rapport au service rendu chez le preneur, il y a lieu en l'espèce de considérer que l'administration a établi que le prix facturé à la société E par les deux sociétés pour leurs services excédait de beaucoup celui habituellement pratiqué par les entreprises les plus rentables du secteur d'activité :

  • Les prestations ont été en l'espèce réalisées au nom des deux fournisseurs par les propres dirigeants non rémunérés de la société E ;
  • Les factures produites ne comportent pas le détail des prestations fournies ;
  • Les motifs de la modification de la rémunération initiale n'ont pas été justifiés et pas davantage les modalités de détermination de la nouvelle rémunération comportant une part fixe et une part variable.

Les éléments argués par la société, à savoir que le montant total des honoraires ne représente que 3,6 % de son chiffre d’affaires, que l’existence des prestations n’est pas remise en cause, que ces prestations lui ont permis de développer son activité dans un contexte économique rendu difficile par la perte de son client historique et que sa rentabilité n’est pas affectée par le paiement de ces honoraires, ne sont pas de nature à remettre en cause le caractère disproportionné de cette rémunération.

Dans ces conditions, la Cour administrative d'appel de Nancy juge que c'est à juste titre que l'administration a partiellement remis en cause la déduction des honoraires litigieux des bénéfices imposables de la société E au titre des années 2015 et 2016.

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