Déductibilité fiscale de services d’asset management rendus entre sociétés liées
La Cour administrative d’appel de Paris confirme que la déductibilité fiscale de charges facturées au titre d’un contrat d’asset management entre sociétés liées suppose la démonstration concrète de prestations réellement exécutées. À défaut de moyens propres, face à une redondance de fonctions et des liens capitalistiques étroits, l’administration peut valablement remettre en cause la réalité des services rendus (CAA Paris, 29 avril 2025, n° 23PA02275).
Faits et Procédure :
La société FVR a acquis, le 12 juillet 2007, un ensemble immobilier à usage commercial, qui était loué à la société T. Elle a vendu cet ensemble le 27 mai 2014 à un pool bancaire pour un prix de 90 000 000 euros et a souscrit un contrat de crédit-bail portant sur le même ensemble immobilier auprès de ce pool, et continué à sous-louer l'ensemble immobilier à la société T.
Le 10 janvier 2012, la société a signé avec la société OI un contrat d’asset management portant sur l'ensemble immobilier, comprenant notamment l'élaboration des budgets et business plan annuels, la communication d'informations sur les événements affectant l'immeuble, sa valeur ou toute procédure judiciaire engagée contre la société requérante, la production de rapports trimestriels sur la situation du patrimoine, la vacance, l'assistance à la gestion administrative, comptable et financière et le conseil en matière de financement ou de refinancement.
Sur la base de ce contrat, la société FVR a déduit en charges au titre des honoraires annuels d'asset manager la somme de 124 075 euros pour l'année 2014 et la somme de 124 608 euros pour l'année 2015 ainsi qu'une commission sur cession d'un montant de 720 000 euros pour l'année 2014.
L'administration a remis en cause le caractère déductible des factures émises par la société OI estimant que la réalité des prestations facturées n'était pas établie et que le contrat d'asset management avait seulement pour objet de permettre un prélèvement de trésorerie au profit d’OI sans contrepartie pour la société requérante. Les impositions supplémentaires (TVA et CVAE) ont été mises en recouvrement avec application de la majoration de 40% pour manquement délibéré.
Arrêt de la Cour administrative d'appel :
La Cour confirme le rejet de la déductibilité des charges au motif que la société n’a pas apporté la preuve suffisante de la réalité des prestations. La Cour rappelle que l’administration est en droit d’exiger la production de preuves tangibles et que les documents fournis ne permettent pas d’établir l’existence effective des services facturés.
La Cour relève que la société requérante n'a produit que des copies de budgets et rapports financiers trimestriels, dont rien ne permet d'établir qu'ils ont été élaborés par la société OI, aucun élément ne permettant d'identifier cette société sur les documents en cause, ainsi qu'un courrier et un courriel adressés au gérant de la société OI, qui était également gérant de la société requérante, alors que l'administration fait état de nombreux éléments précis et concordants de nature à étayer sa contestation du caractère déductible des dépenses en cause.
Aussi, la Cour relève également l’absence de moyens humains et matériels propres à cette société, dont le seul représentant était également le dirigeant de la société requérante, le caractère redondant des prestations avec celles déjà assurées par le property manager ou le dirigeant de la société FVR, la simplicité de la gestion de l’immeuble concerné – un actif unique, occupé par un seul locataire –, ainsi que le recours à plusieurs autres prestataires pour la seule opération significative de la période : la vente suivie d’un crédit-bail.
Dès lors, elle reconnait que l'administration était fondée à remettre en cause la déduction des charges en cause au titre des années 2014 et 2015, sans que cela constitue une immixtion dans la gestion de l'entreprise.
S’agissant de la TVA, la Cour a estimé que l’absence de justification de la réalité des prestations rendait impossible de considérer que la taxe facturée avait effectivement grevé le prix d’une opération imposable. Par conséquent, la TVA facturée n’était pas déductible, conformément à l’article 271 du CGI.
Enfin, s’agissant de la majoration de 40% pour manquement délibéré, la Cour considère que l’administration a démontré que la société avait sciemment engagé des dépenses étrangères à son intérêt social, dans un contexte de forte porosité entre les structures concernées, et sans pouvoir ignorer l’absence manifeste de moyens et de substance de son cocontractant.