June 18, 2025

Qualification de titres acquis lors d’une augmentation de capital suivie d’une cession

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La Cour administrative d’appel de Nancy confirme que la moins-value constatée lors de la cession de titres souscrits dans le cadre d’une recapitalisation préalable à la cession d’une filiale reste non déductible, ces titres conservant la qualification de titres de participation malgré leur revente immédiate (CAA Nancy, 15 mai 2025, n° 23NC00341).

Rappel des principes applicables :

Aux termes de l’article 38 du code général des impôts (« CGI »), rendu applicable à l’impôt sur les sociétés par l’article 209 du même code, le bénéfice net imposable s’entend du résultat d’ensemble des opérations de toute nature, y compris les cessions d’éléments d’actif. En matière de moins-values, l’article 39 quaterdecies, 2 bis, prévoit que la moins-value constatée lors de la cession, dans un délai de moins de deux ans suivant leur émission, de titres de participation acquis en contrepartie d’un apport, n’est pas déductible à hauteur de la différence entre leur valeur d’inscription comptable et leur valeur réelle à la date de leur émission.

Par ailleurs, selon l’article 38 quater de l’annexe III au CGI, les entreprises doivent respecter les définitions comptables issues du plan comptable général, sous réserve de leur compatibilité avec les règles fiscales. En ce sens, l’article R. 123-184 du code de commerce précise que constituent des participations les droits dans le capital d’autres personnes morales destinés à créer un lien durable avec celles-ci. Sont présumés être des participations les titres représentant plus de 10 % du capital.

Sur le plan comptable, les titres de participation sont ceux dont la détention durable est considérée comme utile à l’activité, notamment en raison de l’influence ou du contrôle exercé sur la société émettrice. Tel est le cas, notamment, lorsque les titres sont souscrits dans le cadre de la recapitalisation d’une filiale, suivie d’une cession de l’intégralité des titres à un tiers, dès lors que l’opération confère un contrôle direct sur les actifs et passifs de la filiale cédée.

Faits et Procédure :

Une société mère détenait l’intégralité des titres d’une filiale opérant dans le secteur industriel. Ces actions, inscrites à l’actif immobilisé en tant que titres de participation, lui permettaient d’exercer un contrôle exclusif sur cette entité. En raison de difficultés rencontrées par la filiale, la société mère a engagé des démarches en vue de sa cession.

Un protocole d’intention a été conclu avec un repreneur, conditionnant la vente à un apport préalable en trésorerie via une augmentation de capital de 6,2 M€, devant être intégralement souscrite et libérée au plus tard à la date de cession.

Le même jour, la société a procédé à cette augmentation de capital et cédé la totalité des actions de sa filiale. Les titres nouvellement émis ont été comptabilisés comme titres de participation. La moins-value constatée lors de leur cession a été réintégrée dans le bénéfice imposable de l’exercice 2016, conformément au 2 bis de l’article 39 quaterdecies du CGI.

Estimant a posteriori que les titres en cause ne devaient pas être qualifiés de titres de participation au regard de l’intention initiale de ne pas les conserver durablement, la société a demandé la restitution d’une somme de 2  134  866 € sur sa cotisation d’impôt sur les sociétés, en soutenant que les titres relevaient en réalité du régime applicable aux valeurs mobilières de placement.

Sa réclamation, rejetée par l’administration fiscale, a été suivie d’une demande en décharge formée devant le Tribunal administratif (TA de Châlons-en-Champagne, 1er décembre 2022, n° 2001234), qui a également été rejetée. La société a relevé appel devant la Cour administrative d’appel.

Arrêt de la Cour administrative d’appel de Nancy :

La société requérante soutenait avoir inscrit par erreur comptable les titres issus de l’augmentation de capital dans un compte de titres de participation, alors qu’ils étaient destinés à être cédés immédiatement dans le cadre d’une opération de restructuration. Elle en déduisait que ces titres ne devaient pas être considérés comme détenus durablement, n’avaient pas vocation à créer un lien de participation, et relevaient de la catégorie des valeurs mobilières de placement, pour lesquelles la moins-value aurait dû être déductible conformément au régime des moins-values à court terme.

En l’espèce, il ressort que la société requérante détenait l’intégralité des titres de sa filiale, et que l’augmentation de capital à laquelle elle a souscrit constituait une condition préalable nécessaire à la cession de cette filiale. Cette recapitalisation n’avait pas un objectif patrimonial ou spéculatif, mais visait à garantir la continuité et la valorisation de l’opération de cession. Le fait que les titres aient été cédés le jour même de leur émission n’enlève pas leur caractère de titres de participation : ils ont précisément permis à la société mère d’exercer son contrôle sur l’ensemble du capital jusqu’à la vente. Par conséquent, ces titres ne peuvent être requalifiés en titres de placement.

En conséquence, la moins-value constatée lors de la cession des titres, intervenue moins de deux ans après leur émission, ne pouvait être déduite du résultat imposable. La juridiction en a déduit que la demande de la société requérante devait être rejetée.

La Cour administrative d’appel de Nancy confirme que des titres souscrits lors d’une recapitalisation préalable à une cession conservent leur qualification de titres de participation, même s’ils sont cédés rapidement. Cette position s’inscrit dans la continuité de la jurisprudence « Agapes » (CE, 11 juin 2024, n° 470721), qui reconnaît le caractère de titres de participation aux titres souscrits dans le cadre d’une recapitalisation suivie d’un transfert universel de patrimoine. Le critère du contrôle exercé prime sur la durée effective de détention.

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