Oktober 20. 2025

Requalification de la prise en charge des coûts de restructuration imposés par le groupe en transfert indirect de bénéfices à l’étranger

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La CAA de Douai considère qu’une société française ayant supporté l’essentiel des coûts d'un plan social décidé au niveau de son groupe international doit être regardée comme ayant consenti un avantage constitutif d’un transfert indirect de bénéfices, dès lors qu’elle ne démontre pas l’existence de contreparties suffisantes. Dans un tel cas, le juge admet que l'administration fiscale établit l’existence d’un avantage « par nature », sans exiger une analyse de comparabilité avec des opérations réalisées par des entreprises dans des situations similaires, dès lors que la charge assumée par la filiale excède manifestement ce qu’un tiers indépendant accepterait (CAA Douai, 18 septembre 2025, n° 24DA00262).

Faits et procédure

La société française A, appartenant à un groupe multinational, a été constituée en 2011 afin d'acquérir et exploiter le fonds de commerce de la société C, qui exerçait une activité de développement, de fabrication et de commercialisation d'une gamme d'arômes sur un site industriel situé en France.

A la suite de cette acquisition, la société A a fait l'objet d'une restructuration qui a entraîné la suppression d'environ 40 % de l'effectif de la société. Les coûts du plan de sauvegarde de l'emploi résultant de cette restructuration, provisionnés à plus de 13,4 M€ à la clôture de l'exercice 2012, se sont en définitive élevés à environ 4,3 M€ en 2013 et à 4,27 M€ en 2014 et ont été supportés par la société A, à l'exception d'une indemnité de « passback » d'environ 860 K€, versée le 31 décembre 2014 à la société A par une société irlandaise du groupe, L.

A l'issue d'une vérification de comptabilité de la société A, l'administration fiscale a estimé qu'en supportant seule l'essentiel des charges liées au plan social, la société A avait consenti un avantage non justifié par l'obtention de contreparties, et a rejeté la déductibilité d’une partie des charges supportées par la société A sur le fondement de l'article 57 du Code général des impôts (« CGI »), à concurrence d'un montant d'environ 4,44 M€.

Arrêt de la Cour administrative d'appel

L’article 57 du CGI prévoit notamment que : « Pour l'établissement de l'impôt sur le revenu dû par les entreprises qui sont sous la dépendance ou qui possèdent le contrôle d'entreprises situées hors de France, les bénéfices indirectement transférés à ces dernières, soit par voie de majoration ou de diminution des prix d'achat ou de vente, soit par tout autre moyen, sont incorporés aux résultats accusés par les comptabilités. »

La Cour rappelle que l'article 57 du CGI instaure une présomption de transfert indirect de bénéfices dès lors que l'administration établit l'existence (i) d'un lien de dépendance et (ii) d'une pratique entrant dans les prévisions de l'article. Cette présomption peut être combattue par l'entreprise sous réserve qu'elle apporte la preuve que les avantages qu'elle a consentis ont été justifiés par l'obtention de contreparties favorables à sa propre exploitation.

L'existence d'un lien de dépendance (juridique) entre les entités en cause (soit la société française A et la société irlandaise L) n'est pas contestée. Toutefois, la société reproche à l'administration de ne pas avoir procédé à une comparaison du coût de la restructuration avec les prix pratiqués par des entreprises similaires indépendantes. De plus, elle avance que l'avantage consenti par la société A s'est accompagné de contreparties et que la restructuration a été faite dans son propre intérêt, en permettant d'assurer le maintien de son activité qui avait été affectée par l'acquisition d'une société déficitaire.

Or, la Cour relève premièrement que la restructuration a été imposée par le groupe. Deuxièmement, le montant de l'indemnité de « passback » versée à la société A dans le cadre de cette restructuration représente moins de 10 % du coût de la restructuration, qui s'est chiffré à environ 8,57 M€. Troisièmement, aucun élément probant n'a été produit justifiant que, comme l'avance la requérante, la société A aurait bénéficié d'une synergie du groupe en matière d'approvisionnement, de volumes de production supplémentaires et d'une politique de prix lui garantissant l'obtention d'une marge, et relève d'ailleurs que son chiffre d'affaires a baissé à la suite de la restructuration. Enfin, elle ajoute qu'aucun élément sur la structure du déficit de la société C de 2009 à 2011, qui aurait justifié du fait que la restructuration de la société A a permis d'assainir la situation financière de celle-ci après l'acquisition du fonds de commerce, n'a été produit et que les comptes de la société A ont été déficitaires au titre des exercices 2012 à 2014.

La Cour considère que l'administration fiscale doit ainsi être regardée comme ayant « démontré que la société A avait consenti au groupe dans le cadre de la restructuration en cause, en l'absence de contreparties suffisantes, un avantage non par comparaison mais par nature ». Aucune comparaison avec des opérations réalisées par des entreprises comparables exploitées en dehors de tout lien de dépendance n'était donc nécessaire, de telle sorte que l'administration doit être regardée comme apportant la preuve de l'existence d'un avantage consenti par la société A constitutif d'un transfert indirect de bénéfices.

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