juin 26 2025

Prix de transfert : le Conseil d’État rappelle les exigences probatoires de l’article 57 du CGI

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En matière de prix de transfert, le Conseil d’Etat retient que la constatation de pertes récurrentes ou de marges nettes inférieures à celles d'entreprises comparables n'est pas de nature, à elle seule, à présumer de l'existence d'un transfert de bénéfices. Par ailleurs, l'utilisation d'un comparable interne unique est admise pour l'application de la méthode du prix comparable (CE, 7 mai 2025, n° 491058).

Si la jurisprudence antérieure du Conseil d'État avait déjà validé la possibilité, pour l'administration, de ne faire appel à aucun comparable externe (Conseil d'État, 16 mars 2016, n° 372372), dans cette nouvelle décision, les juges considèrent, pour la première fois qu'il est possible, de ne faire appel qu'à un seul comparable interne. Selon les juges, cela est possible dès lors que la fiabilité de ce seul comparable interne est assurée, quand bien même les principes de l'OCDE mettent en avant le principe d'une pluralité des comparables.

Faits et procédure

La société X, filiale à 100% de la société Y – elle-même détenue par des sociétés italiennes du groupe M – exerce une activité d’achat et de revente d’appareils et de produits de diagnostic à destination des laboratoires d’analyse médicale et du marché de l’autodiagnostic.

À l’issue d’une vérification de comptabilité portant sur les exercices 2011 à 2013, l’administration fiscale a estimé que la société avait indirectement transféré une partie de ses bénéfices aux sociétés italiennes Z et A membres du groupe M. Elle a en conséquence mis à sa charge des suppléments de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, de taxe additionnelle à cette cotisation, ainsi que des retenues à la source en application du 2 de l’article 119 bis du CGI, assortis des pénalités correspondantes.

La société X a demandé au Tribunal administratif de Montreuil la décharge de l’ensemble de ces impositions supplémentaires. Par un jugement du 7 octobre 2021, le Tribunal a rejeté ses demandes (nos 1912702, 1912706). La Cour administrative d’appel de Paris a confirmé ce jugement par un arrêt du 22 novembre 2023 (n° 21PA06233). La société s’est pourvue en cassation devant le Conseil d’État, demandant l’annulation de cet arrêt et le prononcé de la décharge des impositions litigieuses.

Décision du Conseil d’État

S’agissant du premier chef de redressement portant sur le transfert de bénéfices allégué au profit de la société italienne Z, le Conseil d’État censure le raisonnement suivi par la Cour administrative d’appel. Cette dernière avait jugé que l’administration apportait la preuve de pratiques révélant un transfert indirect de bénéfices, ayant notamment relevé (i) le caractère récurrent des pertes d’exploitation constatées par X depuis 2003, malgré la rentabilité propre de l’activité et le fait qu'elle ne soit plus en phase de pénétration du marché, ainsi que (ii) le fait que les marges nettes de l’ensemble des produits distribués par la société X étaient négatives, en raison d'achats et de charges externes représentant entre 28 % et 43 % du chiffre d’affaires sur la période entre 2007 et 2013, contre seulement 13 % pour des entreprises indépendantes comparables qui affichaient, pour la plupart, des marges nettes positives.

Pour autant, le Conseil d’État juge que la Cour ne pouvait se fonder sur ces seuls constats pour présumer un transfert de bénéfices au sens du 1 de l’article 57 du CGI, dès lors que l’administration n’avait pas identifié, parmi les dépenses comptabilisées dans le poste « autres achats et charges externes », celles qui auraient été engagées par X dans l’intérêt exclusif d’autres sociétés du groupe M. Ce faisant, la Cour a entaché son arrêt d’une erreur de droit, justifiant son annulation partielle sur ce point.

S'agissant de dépenses liées à la promotion et la prospection commerciale, le rapporteur public considère que ces dépenses profitent indirectement au groupe italien mais peuvent également profiter à d'autres entités du groupe, ce qui ne permet pas d'en déduire qu'elles n'incomberaient pas au distributeur français X. Ce n'est donc pas tant la nature ou le montant des dépenses que l'identification de leur bénéficiaire qui semble importer.

En revanche, le Conseil d’État confirme l’analyse de la Cour administrative d’appel s’agissant du second chef de redressement, portant sur un transfert indirect de bénéfices au profit de la société italienne A. L’administration avait identifié un transfert de bénéfices entre X et A concernant les produits de la gamme G-X, en recourant à la méthode du prix comparable sur le marché libre. Elle s’était fondée sur un unique comparable interne : les prix pratiqués pour des produits de la gamme G-Y, acquis par la société X auprès d’un fournisseur indépendant.
La société X contestait à la fois (i) l’absence de recours à des comparables externes et (ii) la fiabilité du comparable interne retenu, en invoquant (a) une différence de marge brute (10 % de son chiffre d’affaires pour la gamme G-Y contre 19 % pour la gamme G-X) et (b) des différences dans les taux de remboursement de ces produits par la Sécurité Sociale. La Cour a toutefois jugé que ce seul comparable interne pouvait être utilisé, après avoir constaté que les deux gammes visaient une clientèle identique dans le même secteur d’activité, qu’il n’existait pas d’autres comparables internes (i.e., produits achetés auprès de fournisseurs tiers par X) et que les produits G-X représentaient une part significative du chiffre d’affaires de la gamme G. Le Conseil d’État confirme donc cette appréciation souveraine de la Cour.

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