avril 30 2025

Précisions sur les indices déterminants pour la qualification du « maître de l’affaire »

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Le Conseil d’État rappelle que la seule qualité de gérant de la société mère et la connaissance des affaires ne suffisent pas à établir la qualité de « maître de l’affaire », conditions pourtant nécessaires à la présomption d’appréhension des revenus distribués. En l’absence de preuve d’un pouvoir exclusif de gestion et de disposition des fonds sociaux, la Haute juridiction écarte cette qualification (Conseil d’Etat, 31 mars 2025, n° 490828).

Rappel des principes applicables :

Aux termes de l'article 109-1-1° du Code général des impôts (« CGI ») : « Sont considérés comme revenus distribués : […] tous les bénéfices ou produits qui ne sont pas mis en réserve ou incorporés au capital. »

Par ailleurs, l'article 111-c du CGI qualifie de revenus distribués « les rémunérations et avantages occultes ». Les rémunérations occultes traduisent notamment la prise en charge par la société de dépenses qui ne lui incombent pas normalement et dont elle n'entend pas désigner le ou les bénéficiaires.

En matière de preuve, en cas de refus des propositions de rectification par le contribuable que l’administration fiscale entend imposer comme bénéficiaire de sommes regardées comme distribuées, il incombe à l'administration d'apporter la preuve que le contribuable en a effectivement disposé.

Toutefois, le contribuable qui, disposant seul des pouvoirs les plus étendus au sein de la société, est en mesure d'user sans contrôle de ses biens comme de biens qui lui sont propres et doit ainsi être regardé comme le seul « maître de l'affaire », est présumé avoir appréhendé les distributions effectuées par la société qu'il contrôle.

Faits et Procédure :

Lors d’une vérification de comptabilité, au titre des exercices clos de 2014 à 2016 de la société HG, société intégralement détenue par la société MF et qui exerce une activité d'hôtellerie et de restauration, M. A, gérant de la société MF, a été assujetti à des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux au titre des années 2015 et 2016

En se fondant dans un premier temps sur les dispositions de l’article 111-c du CGI, l’administration fiscale a réintégré au résultat de la société des recettes non déclarées et a considéré que ces sommes avaient été distribuées au gérant. 

Selon l’administration, un courrier en date du 19 février 2018 émanant de la société identifiait M. A comme le bénéficiaire des distributions en cause.

Ayant vu ses demandes rejetées par le Tribunal administratif de Toulon, puis par la Cour administrative d’appel de Marseille, le contribuable s’est pourvu en cassation devant le Conseil d’Etat.

Devant la Cour administrative d’appel de Marseille, l’administration fiscale a demandé à ce que soit substituée à la base légale initialement retenue celle du 1° du 1 de l'article 109 du CGI en justifiant alors de l'appréhension des distributions de la société HG par M. A. par sa qualité de seul maître de l'affaire.

Décision du Conseil d’Etat :

Le Conseil d'État annule les arrêts de la Cour administrative d'appel de Marseille en tant qu'ils se sont prononcés sur les impositions supplémentaires à raison de distributions résultant de la réintégration, dans les bénéfices imposables de la société HG, des recettes non comptabilisées et non déclarées.

Le Conseil d’Etat règle l'affaire au fond et décharge le contribuable des impositions en cause en se prononçant dans un premier temps sur la base légale initiale (i.e., article 111-c du CGI) pour laquelle il constate que le courrier du 19 février 2018, sur lequel s'appuyait l'administration fiscale, ne désignait M. A comme le bénéficiaire des revenus issus des minorations de recettes qu'au titre de la seule année 2014 sans que l’administration fiscale n’avance d’autre élément de preuve de nature à établir l’appréhension des sommes en litige par le contribuable.

Dans un second temps, le Conseil d’Etat censure les juges du fond dans leur appréciation de la notion de maître de l’affaire. En effet, le Conseil d’Etat considère que les éléments relevés par la Cour administrative d’appel (M. A. était gérant de la société MF, associée unique de la société HG, qu'il était devenu officiellement directeur général de cette société, et avait une connaissance approfondie sur le fonctionnement comptable quotidien de la société) ne suffisent pas à eux seuls à établir que le contribuable aurait exercé la responsabilité effective de l'ensemble de la gestion administrative, commerciale et financière de la société distributrice, et aurait disposé sans contrôle de ses fonds, ni qu'il aurait disposé seul de telles prérogatives.

Le Conseil d'État relève par ailleurs que M. A, sans être contredit, a fait valoir qu'il ne possédait que 23,4% des parts de la société MF et qu'il n'existait pas d'accord entre les associés de celle-ci de nature à lui conférer un pouvoir spécifique dans la gestion de la société HG.

Ainsi, le Conseil d’Etat rappelle qu’il convient de démontrer de manière positive que le contribuable exerce, au cours de la période vérifiée, la responsabilité effective et exclusive de l'ensemble de la gestion administrative, commerciale et financière de la société distributrice, et aurait disposé sans contrôle de ses fonds.

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